Girls just wanna have fun! {Enea chou!}

Je ne pouvais pas me plaindre que des gens s'intéressent à des choses qui ne les regardaient pas, comme moi par exemple, parce que j'étais ce genre de personnes qui ne peut pas s'empêcher de fourrer le nez dans les affaires des autres. Mais je n'obligeais personne à faire quoi que ce soit, et étant assez réservée, je me contentais de harceler de rien. Et qu'avait-elle fait, elle, cette Jessina ? Je ne pouvais pas dire que je la détestais, c'était faux, en plus, je ne la connaissais même pas, mais le fait qu'elle m'ait prise comme sa .. sa .. je ne savais pas vraiment comment le qualifier. Elle avait clairement comme objectif de me faire sortir et rencontrer des gens, en gros, tout l'inverse de ce que je voulais faire. Jessina ne devait même pas se rendre compte des efforts que j'avais fait en arrivant à La Crosse pour me sociabiliser, je connaissais au moins 100 x plus de gens ici qu'à New York, mais il fallait que l'on s'arrête à mon plan. Que j'aborde les gens à ma manière, et que je rencontre ceux que je VOULAIS rencontrer. Que l'on me force à exercer quelque chose contre mon plein gré .. Ah ! Cela m'énervait au plus haut point. Et dieu sait que je ne m'énerve pourtant pas pour pas grand chose. Je me maudissais d'avoir croisé le chemin de Jess à la cafétéria -bon d'accord j'aurais pas pu l'empêcher vu qu'ELLE était venue me voir-, et d'avoir dit oui avec réticences à sa proposition. J'espérais qu'une des personnes que j'appréciais réellement vienne m'arracher à ce cauchemar avant qu'elle arrive, mais j'étais définitivement coincée. Il fallait que je participe à une .. soirée .. entre .. filles. Même ses mots dans ma pensée ne sonnaient absolument pas bien. Je me répétais exactement la phrase qu'elle m'avait dit alors « Bien, alors sois prête pour 21h00! », en enfouissant ma tête dans mon oreiller pour crier en silence.

Il était évident que je n'étais pas le genre de filles qui avait des tenues de soirée dans sa garde robe. Mes habits étaient tous de couleur plutôt classiques et avec des formes pour le moins basiques, que je cachais toujours avec un grand anorak informe. Non, paraître bien n'était vraiment pas quelque chose dont je me préoccupais, et je m'étais donc habillée extrêmement simplement. T-shirt beige, jean, veste marron .. Parce qu'il faisait un peu frisquet. Les minutes défilaient incroyablement vite et arrivait 21h. J'attendais désespérément qu'on sonne, car mon ventre n'en pouvait plus des douleurs du stress. 21H03. Et si elle avait abandonné son idée ? Hallelujah ! Je me levais avec un petit sourire au visage et m'asseyait à mon bureau pour commencer mes devoirs, parce que pour moi, il n'était pas possible que l'on puisse arriver en retard. 21H05, elle ne devait définitivement pas venir, et toute ma pression s'était relâchée. A 21h06, j'étais endormie sur mon tas de bouquins, et me réveillais subitement à l'appel de mon nom dans la maison. Les cheveux légèrement ébouriffés, je me dirigeais alors vers la porte, pour découvrir une Jessina toute en beauté et franchement ahurie. « Quoi? » «Euh... Non rien! » Je fronçais les sourcils avant de faire un signe à Evan et de sortir avec la jeune fille. Nous faisions un petit bout en voiture (non mais qui n'a pas de voiture super classe à la crosse ?!) avant d'arriver au lieu de la soirée. Je sortais réticente, pour voir l'enseigne d'un .. bar. Je paniquais. Alors c'était ça sa .. soirée entre filles ? Je bougonnais en silence et étais définitivement désespérée. Cette soirée allait être franchement horrible, je le sentais d'avance.

Je suivais Jessina et m'asseyais à côté d'elle. Même si nous n'avions pas l'âge pour commander de l'alcool, les jeunes n'avaient en général pas de problèmes pour en avoir, et je me demandais si elle allait en commander ou m'en faire boire. Mais non. Ce qui me rassurait. Elle se commandait un coca, et j'ouvrais la bouche pour commander un thé, avant de me rappeler que nous étions dans un bar et que .. cela ne devait surement pas pouvoir se trouver ici. Alors, comme je ne savais pas trop quoi dire, je commandais un coca également même si je n'aimais pas cela. Une petite minute de silence, et le barman apportait nos deux boissons en nous adressant un sourire, que je lui rendais un peu maladroitement. Je tournais la tête vers mon .. non, pas mon amie, enfin Jess quoi, avec un air interrogateur. « On fait quoi exactement ici ? » C'est vrai que ça me semblait vraiment ennuyant. J'allais boire mon coca, elle allait boire le sien et puis .. quoi ? En fait, je ne savais pas vraiment à quoi servait un bar, surtout si l'on y buvait pas de l'alcool. Pas que je veuille en boire, dieu non, mais bon .. On aurait pu aller autre part. Genre dans un établissement normal, pour boire une boisson. Evan devait surement avoir rapporté du coca au frigo aussi, on aurait très bien pu faire ça à l'hôtel. « Je ne sais pas exactement ce que tu attends de moi mais .. je crois que tu te fais des idées si tu crois que je pourrais changer ma manière de me comporter. » Je sirotais mon coca en jetant des regards autour, remarquant surtout une population masculine et quelques filles de ça et là. Parfois, je croisais le regard d'un, et détournais immédiatement la tête pour sentir mes joues changer de température. « Cet endroit me rend mal à l'aise. »

Je ne sais pas ce qui me dérangeait vraiment avec ces personnes pleines de vie, énergiques et souriantes telles que Jessina. Ou Rafael. Ou encore Nessee. Toutes ces personnes m'énervaient, sans que je sache vraiment pourquoi. Peut-être était-ce de l'incompréhension. Oui, cela devait être cela. Je ne comprenais pas comment on pouvait être optimiste, heureux en toutes circonstances alors qu'il n'y avait rien qui devait motiver un tel comportement. J'étais plutôt pessimiste dans mon genre, mais j'aimais me dire réaliste. Après tout, le pessimiste ne peut jamais être déçu, l'optimiste peut tomber de haut. Je prenais les choses comme elles arrivaient, et avais l'habitude d'imaginer des scénarios assez catastrophiques en retour car cela m'était habituel. Automatique. Je m'inquiétais vraiment très rapidement, comme je pouvais m'angoisser pour un rien. Que ce soit quelque chose qui me concernait -j'étais égoïste, mais je stressais beaucoup plus pour tout ce qui était par rapport à moi que par rapport aux autres, peut-être tout simplement parce qu'il n'y a pas vraiment de personne que je connaisse bien-, ou quelque chose qui concernait les autres. « On est ici pour s'amuser... » S'amuser. Voici un mot que je n'avais pas encore défini clairement. Avec les informations que j'avais pu collecté durant mon adolescence à New York, s'amuser signifiait majoritairement aller en boite, danser, coucher, boire, se droguer parfois .. Bref, je n'avais encore expérimenté rien de tout ça malgré mon âge de 17 ans, qui était surement considéré comme l'année décisive pour chaque petite jeunette. Et j'espérais grandement que ce n'était pas ce que Jessina avait en tête quand elle disait « s'amuser », mais on ne pouvait pas vraiment faire toutes ces choses dans un bar. Surtout un bar où nous ne pouvions même pas avoir un petit verre d'alcool et où nous sirotions toutes deux un coca comme des petites filles sages. Je savais que cela correspondait à ma personnalité, j'étais moins sure du côté de Jessina, étant donné que je ne la connaissais pas du tout. Je ne savais pas si elle voulait vraiment devenir amie avec moi, ou si elle prenait cette petite relation comme un défi « réaliser à sociabiliser l'insociabilisable ».

Je ne pensais pas que la phrase que j'avais sorti allait lui faire un quelconque effet, puisque j'étais persuadés que les gens qui étaient de bonne humeur ne la laissaient pas s'évanouir à la moindre remarque. Parce qu'ils avaient du en recevoir beaucoup, non ? L'habitude, puis la lassitude. Mais son expression faciale, qui jusque là était restée immuablement joyeuse, était maintenant devenue extrêmement sévère ce qui me fit redoubler d'attention. J'avais peur de l'avoir blessée, car, même si elle n'était pas particulièrement mon amie, je haïssais faire du mal aux gens, surtout sans m'en rendre compte. Je me rehaussais et écoutait le flot de paroles qu'elle commença à déverser. « Je sais que tu n'est pas très... contente d'être ici. Et je sais que tu ne me considère pas comme une amie parce que je t'ai en quelque sorte forcée à m'accompagner ce soir. Le fait que tu ne m'apprécie pas me désole car tu ne me connait pas. Comme tout le monde ici, tu crois que je ne suis qu'une petite idiote qui passe son temps à parler pour ne rien dire, à rire pour des broutilles. Et je sais aussi que tu n'est pas du genre à... t'amuser. Dis-moi, à quoi aurait tu passé ta soirée si je ne t'avais pas proposé de sortir? » Je restais muette quelques instants. Tout ce qu'elle venait de dire était en quelque sorte vrai, même si je ne la considérais pas vraiment comme une petite idiote qui parlait pour rien mais comme une fille beaucoup trop explosive pour ma calme personne, et me demandais un instant si elle n'était pas dotée de la capacité de lire dans les pensées. Cette hypothèse se gara dans un coin éloigné de mon esprit, et avec un petit sourire je lui répondais. « A ce moment là, je serais dans mon lit .. La tête posée sur des dizaines de coussins moelleux en train de lire un délicieux livre, me réchauffant avec un thé à la menthe avec de douces mélodies classiques dans mon oreille. Excuses moi si le fait d'être dans un bar, avec de la musique agressive, une ambiance insalubre et un verre de soda devant moi avec une fille que je ne connais pas ne m'excite pas tellement. Je ne dis pas que je ne t'aime pas, ton .. comportement, disons, m'intrigue, et tout ce qui m'intrigue me fascine et m'exaspère à la fois. Si tu voulais parler, nous aurions très bien pu rester à l'hôtel .. »

Ma dernière réflexion semblait la ramener au plus proche de l'état Jessina que je connaissais, et cela m'apaisa un peu. Lorsque j'étais agaçante, ce n'était jamais parce que je le faisais exprès et j'avais toujours l'impression de faire des bourdes à n'importe quel moment. Il m'arrivait d'être froide par accident, et je m'en voulais alors longtemps après. Les vagues d'humeur, ça ne me réussissait vraiment pas. Elle me fit un long discours qui devait sans doute m'expliquer un peu les raisons de son comportement, et je restais stoïque à boire ma boisson pétillante qui m'était tout sauf agréables aux papilles. « Tu vois, la petite idiote sait être philosophe! » Je riais légèrement, me détendant au fur et à mesure qu'elle parlait, comme si sa voix avait des vertus apaisantes. Je relevais la tête alors et tournais mon regard vers le sien avec un petit sourire. «  Je comprends bien, mais je suis peureuse et je ne suis pas prête à .. grimper dans le grand 8 pour le moment, c'est assez effrayant, et je crois que je vomis mes tripes avant même d'avoir essayé. » J'aspirais la dernière gorgée de mon verre -j'étais une buveuse assez rapide- et poussais un petit soupir en m'amusant avec le verre. « Alors, quelle est ta conception de l'amusement ? »